Kibboutz Kfar Aza : lendemain du jour où l’un des membres a été déchiqueté par un tir de mortier de Gaza

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L’extrémité est du cimetière du kibboutz Kfar Aza offre une bonne vue de Gaza, surtout depuis la tombe de Jimmy Kedoshim, membre de Kfar Aza, 48 ans, tué la veille par une attaque de mortier.

C’est un spectacle devenu par trop familier tout au long du service funèbre, lorsque chaque souffle de vent apporte avec lui la crainte d’une nouvelle attaque de mortier du Hamas. Les personnes endeuillées détournent leur regard de la tombe de Jimmy pour scruter Gaza, visible au-delà des champs dorés.

La vie du kibboutz est censée être sereine, une vie communautaire où chacun connaît l’autre, et où, de surcroît, chacun dépend de l’autre.

« Je pense sincèrement que c’est là la meilleure façon de passer son enfance », assure Hadas Golan, 23 ans, qui va se rendre au cours des prochaines semaines à Los Angeles, pour parler de la vie dans l’ouest du Néguev devant les Jeunes de l’Union synagogale. Elle ajoute: « les enfants grandissent très proches les uns des autres, ils peuvent circuler seuls autour du kibboutz, et lorsqu’ils arrivent à l’âge du lycée, ils peuvent dormir dans les dortoirs ».

Ce jour-là, à ce moment-là, Kfar Aza est réellement ce type d’endroit: les enfants jouent sur le terrain de jeux, la pelouse est verte et les arbres sont en fleur. Mais cette ambiance tranquille est plutôt rare à Kfar Aza. Les journées sont généralement empoisonnées par les roquettes et les mortiers tirés depuis Gaza, situé à quelques kilomètres seulement du kibboutz.

Après avoir assisté à l’enterrement de Jimmy Kedoshim ce lundi-là, Hadas Golan fait visiter le kibboutz, montrant l’école et le terrain de jeux des enfants, la cafétéria et le magasin.

Bien entendu, il y a aussi un abri proche pour que les gens s’y précipitent lorsqu’ils entendent la sirène d’alerte « Tseva adom » (couleur rouge).

Cette alerte fait partie d’un système israélien d’alerte le long de la frontière, qui prévient les habitants de l’ouest du Néguev lorsque les terroristes tirent une roquette à partir de Gaza. Ce système perçoit la chaleur dégagée par la roquette et lance l’alerte, permettant ainsi aux résidents de disposer d’à peu près quinze secondes pour trouver un abri.

« Nous courrons aux abris à chaque alerte ‘Tseva adom’, mais cet abri, par exemple, n’a que 20 cm d’épaisseur », souligne Hadas, en précisant: « s’il est touché de plein fouet, tous ceux qui sont à l’intérieur risquent de mourir. Je pense que nous n’avons aucun abri de 40 cm d’épaisseur ».

Les membres du kibboutz se sont habitués aux roquettes Qassam. Même s’ils sursautent un peu en entendant les haut-parleurs, ils « connaissent la chanson ». Lorsque l’alerte retentit, ils se précipitent aux abris. Mais à présent, le Hamas utilisent contre les habitants de l’ouest du Néguev une nouvelle arme, des mortiers plus perfectionnés.

Jusqu’ici, le Hamas avait utilisé des mortiers artisanaux. Mais à présent, il a commencé à lancer des mortiers iraniens de 120 mm, qui possèdent un rayon d’action de dix kilomètres, et il bombarde ainsi les villes et les kibboutzim de l’ouest du Néguev. Contrairement aux Qassam, il n’y a pas de système d’alerte pour ces mortiers, car leur tir est plus rapide, et ils ne dégagent pas de chaleur susceptible de déclencher l’alerte ‘Tseva adom’.

 

« Pour nous, c’est là quelque chose de nouveau », assure Hadas, en ajoutant: « nous avons une alerte pour les Qassam, mais pour les mortiers, c’est différent, il n’y a pas d’alerte. Nous ne savons pas qu’il faut se rendre aux abris – jusqu’à ce que le mortier frappe ».

Et à ce moment-là, cela risque d’être trop tard, comme ce fut le cas pour Jimmy Kedoshim.

Poursuivant sa visite du kibboutz, Hadas montre la piscine qui n’est pas ouverte à ce moment.

« Le kibboutz Mefalsim n’a pas ouvert sa piscine cette année, donc théoriquement leurs enfants devraient venir ici pour nager dans notre piscine », explique Hadas, en précisant: « cela ne s’est pas encore produit, en raison du danger, mais ils vont peut-être venir en fin de compte ».

Les tirs de roquettes incessants et les attaques de mortiers de plus en plus nombreux n’ont pas seulement modifié la façon de vivre des habitants. Ils ont en fait changé leur façon de penser, assure Hadas.

« Dans un endroit normal, lorsqu’on voit un bâtiment détruit ou un trou béant dans la rue, on pense à quantité d’explications. Mais pour nous, il n’existe qu’une seule explication », spécifie-t-elle.

« Et après tout ce temps, ce n’est même plus ‘si’, mais ‘quand’, et lorsque cela arrive, nous pensons que c’est là notre destin », conclut-elle.

Vers la sortie du kibboutz, un groupe d’adultes sort de l’école. Hadas explique qu’il s’agit là d’assistants sociaux venus aider les enfants à surmonter le choc de la mort de Jimmy et le stress des attaques incessantes. Jimmy était considéré comme un leader au kibboutz, et les enfants le connaissaient bien car les années précédentes, il organisait des spectacles de saut en parachute à l’occasion du Jour de l’Indépendance.

Même s’il n’y a pas eu ces jours-ci de tirs de roquette ou de mortier, la vie à Kfar Aza est encore loin d’être tranquille.

Spencer Ho, diplômé depuis 2003 de l’Ecole de journalisme et de communication de masse de Cronkite (Arizona), possède également une licence de journalisme de la presse écrite, interne au Centre des médias de Sderot.

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